l'avenir est-il si sombre ?

Publi le11 dcembre 2014par Morgan Bodec / Victoires-Editions Europe et international Ce fut son premier dplacement officiel depuis sa prise de fonction: Violeta Bulc, nouvelle commissaire europenne aux Transports et l'Espace, a expos le 9 dcembre, lors du colloque organis par TDIE l'Assemble nationale, les orientations de la politique que la Commission compte


Ce fut son premier déplacement officiel depuis sa prise de fonction : Violeta Bulc, nouvelle commissaire européenne aux Transports et à l'Espace, a exposé le 9 décembre, lors du colloque organisé par TDIE à l'Assemblée nationale, les orientations de la politique que la Commission compte mettre en œuvre dans le secteur des transports. Un enjeu majeur car la France pourrait être l'un des grands bénéficiaires des fonds issus du nouveau Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) doté de 24 milliards d'euros. "Votre pays a d'importants besoins en matière d'infrastructures et cinq des neuf corridors stratégiques définis par la Commission le traversent. A chacun de ces couloirs correspond un programme de travaux, qui seront dévoilés juste avant Noël", a précisé la Commissaire slovène. Fonds structurels, prêts transports de la Banque européenne d'investissement (BEI) qui se mettent en place et nouveaux fonds d'investissements prévus dans la généreuse hotte du MIE… "Les programmes financés seront ceux qui correspondent le mieux au projet d'intégration des corridors et réseaux. Ils doivent apporter une réelle valeur ajoutée à l'Union, garantir des résultats dans les trois ans à venir, avec un effet social et économique tangible", a-t-elle dicté. Et de citer, même si rien n'est acté, les projets du canal Seine-Nord, de liaison ferroviaire Lyon-Turin et de développement du port de Calais. Les premières subventions seront débloquées en deux temps : lors de l'été et à l'automne 2015.

Revoir les fondamentaux

Philippe Duron, député du Calvados, président de l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (Afitf) et co-président délégué de TDIE, a pour sa part appelé à revisiter les fondamentaux du modèle. Selon le rapport ayant servi de base au colloque, tous les modes terrestres rencontrent une crise de financement. Côté ferroviaire, la question du "financement de l'effort de renouvellement du réseau reste entière". Les projections en matière d'endettement sont inquiétantes : "Si rien n'est fait, il pourrait atteindre dans dix ans 80 milliards d'euros, soit le double de l'endettement actuel." Dans les transports publics urbains, la tendance actuelle est "insoutenable", poursuit ce rapport, avec un fort déficit de fonctionnement, que le versement transport ne permet plus de compenser. La route n'y échappe pas : "Seul le réseau concédé paraît relativement préservé." Alors qu'il est question que les routes restent dans le giron des compétences départementales, élus et experts s'inquiètent de leur état de dégradation. Les indices de qualité sont mauvais. "Dans un département comme la Manche, qui dispose pourtant de la précieuse rente nucléaire, le budget a été divisé par dix ; alors, imaginez dans ceux plus modestes !", commentait lors d'un précédent rendez-vous Philippe Duron.
Fragilisé certes, c'est finalement le secteur des voies navigables qui "résiste le mieux", avec une politique de valorisation foncière du patrimoine ayant su générer des recettes jugées "significatives". A noter : le rapport de TDIE décrypte (des pages 139 à 163) la logique de financement des réseaux par la captation des plus-values foncières et immobilières. C'est Hong Kong qui fait référence en la matière. Pour le Grand Paris, ce mécanisme n'a pas été retenu. Un bilan de l'efficacité des péages urbains - avec à l'appui un tableau comparant les dispositifs de Londres, Stockholm et Oslo - est aussi fourni. "La clé de sa réussite tient à l'acceptabilité publique. La mise en place d'un tel péage en région parisienne de type cordon ou zone, s'avère délicate compte tenu des spécificités de l'agglomération", concluent les rapporteurs. "Il y a beaucoup de discours mais rien derrière. Paris ne se presse pas d'en avoir un et les élus des grandes villes non plus", déplore Dominique Bussereau.

Le cas francilien

En Ile-de-France, alors que vont débuter les négociations en vue de renouveler en 2015 les contrats pluriannuels liant le Syndicat des transports (Stif) à la RATP et à la SNCF, Sophie Mougard, directrice générale de cette entité, explore aussi des pistes. Maîtres mots, la maîtrise des coûts et plus de lisibilité dans les échanges aux opérateurs : "Nous serons clairs dès le début des négociations : il n'est pas question pour nous de financer de la déproductivité." Pour développer l'offre, le syndicat a déjà englouti 700 millions d'euros en huit ans. "Il va falloir avoir le courage d'adapter l'offre là où le trafic n'est pas au rendez-vous", ajoute-elle. D'autres enjeux très techniques sont à discuter : répartition des coûts liés à l'usage des gares, équilibre et péréquation entre les activités régulées et non régulées que ces gares accueillent… L'efficacité du système de transport à la demande réseau Filéo, desservant une vingtaine de communes et très prisé des employés de Roissy, au point qu'il est devenu le plus fréquenté au niveau européen (près de 20.000 clients réguliers), va être passée au crible.
Quant au rapprochement de tuyauterie financière entre le Stif et la Société du Grand Paris (SGP), qui doit permettre au premier de puiser dans les fonds de la seconde, pour financer les prolongements d'Eole et de la ligne 11 du métro, il ne suffira vraisemblablement pas car il manque encore de l'argent pour réaliser les investissements d'extension. "Nous ne bénéficions pas comme la SGP de ressources fiscales fléchées. Pas moins de 8 milliards d'euros restent à trouver", indique Sophie Mougard. La question des coûts de possession et des dépenses liées au matériel roulant a aussi été abordée. Proposition du rapport : mieux standardiser ce matériel, recourir autant que possible aux marchés cadres pour "bénéficier de l'effet volume et de l'évolution des matériels vers des standards peut-être plus modestes tout en les rendant plus économes".

Vers plus de tarification à l'usage ?

Plus les réflexions sur les marges de manœuvre de financement et le juste prix des transports progressent, plus la tarification à l'usage semble s'imposer comme une évidence, ou à défaut comme la seule issue. Un sens de l'histoire qui résonne comme à contre-pied avec l'instauration du tarif unique en Île-de-France, qui sera mise en place à la rentrée 2015". Mesure sociale disent les uns ; "contre-exemple de ce qu'il faut faire", critique Jean Lenoir, vice-président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), qui y voit une incitation à "surconsommer les transports". La Fnaut voit d'un tout aussi mauvais œil le TER à 1 euro, qui débarque en janvier dans le Languedoc-Roussillon. "Effets de démagogie et excès d'offres sont regrettables. Il est temps d'expliquer aux clients des transports ce qu'ils coûtent réellement et quel est le prix de la qualité", rebondit le député UMP de Charente-Maritime et ancien ministre des Transports Dominique Bussereau.
"Les élus sont sans doute trop sensibles à ce marqueur très symbolique qu'est le prix du billet et de l'abonnement. L'attractivité tarifaire est certes importante mais pour les voyageurs, la commodité est le premier atout des transports publics", observe Jean-Marc Janaillac, président de l'Union des transports publics (UTP). Selon lui, l'urgence est ailleurs : il faut que "ce prix corresponde au coût, le mauvais calcul étant de le corréler aux distances et de créer trop de sous-catégories tarifaires. Pas de prix réduit pour les personnes âgées et à mobilité réduite ? Des collectivités l'ont fait sans problème. Suivre le modèle strasbourgeois est une bonne chose : sa tarification solidaire est corrélée aux revenus du foyer". Et Jean Lenoir, à la Fnaut, d'ajouter que "pour rester compétitive par rapport à la voiture, la tarification doit favoriser les petits groupes, forfaits famille par exemple, le week-end et hors période de pointe en semaine". Bruno Faivre d'Arcier, chercheur au Laboratoire d'économie des transports (LET), souligne qu'à l'étranger, les abonnements ne sont pas forcément le sésame : "A Tokyo par exemple, on paye à l'usage." Le Stif semble aussi s'orienter dans cette voie, du moins se montre-t-il intéressé. "Ce paiement en fonction de que l'on a consommé pourrait s'appuyer sur des 'unités de transport'. Grâce aux nouvelles technologies de billettique, elles seraient décomptées et facilement reliées à d'autres fonctionnalités intermodales : Vélib', recours aux parkings Veligo, etc. La modularité tarifaire pourrait dépendre du passage en heure de pointe ou non", conclut Sophie Mougard. 
 

ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFonaKmkaOwprnEp6tmnJWoerW%2BwKeqqaeiqcBuwMSrqZ6rpKeytHnLmq2eppmneqa%2F02agpWWjnnq0u8ybqZ4%3D

 Share!