Et de quatre. Après France urbaine, l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes) et le Conseil d'Etat (voir nos articles ci dessous), c'est au tour de la mission d’information sur les nouveaux territoires du sport du Sénat, menée par Claude Kern et Christian Manable, de livrer ses réflexions sur la place des collectivités territoriales dans la nouvelle gouvernance du sport, quelques mois après la création de l'Agence nationale du sport. Comme les précédents, ce nouveau rapport, présenté le 6 novembre, plaide pour une place renforcée des collectivités et une compétence partagée, sans chef de file, mais sans obligation de participation au financement du sport.
Des risques pour le financement du sport
A propos du caractère partagé de la compétence sport entre les différentes catégories de collectivités, instauré par la loi Notre du 7 août 2015, les rapporteurs affirment d'entrée que "faute de véritable clarification sur le rôle de chacun, l’implication des acteurs dépend autant de leurs choix propres que de l’évolution des moyens à leur disposition". Et d'en conclure que deux "menaces" pèsent : d'une part, le risque d'interventions qui se chevaucheraient au détriment de la lisibilité et des investissements qui ne bénéficieraient pas d’une "répartition harmonieuse", le risque que le sport pâtisse d’une baisse des moyens que lui consacrent les collectivités territoriales, poussées à assurer leurs dépenses "obligatoires", d'autre part.
Dans ce contexte, et alors que les décrets d'application de la loi du 1er août 2019 portant création de l'Agence nationale du sport, touchant à l'organisation des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs, sont attendus début 2020, les rapporteurs ont formulé des préconisations pour organiser la compétence partagée des collectivités territoriales afin que celles-ci puissent intervenir au sein des instances territoriales de l'ANS, mais aussi pour "rappeler l’Etat à ses engagements y compris sur le plan des moyens".
L'esprit de la loi
Au sujet de la clause de compétence partagée pour le sport, les rapporteurs osent tout d'abord poser la question qui fâche : n'était-il pas temps, en profitant de la mise en place d’une nouvelle gouvernance des politiques sportives territoriales, "de mieux spécialiser le champ d’intervention de chaque niveau de collectivité pour plus de lisibilité et d’efficacité ?". Réponse : "La diversité des situations et des actions menées rendrait très incertaine toute tentative de répartition de la compétence sport entre niveaux de collectivités." De cette position découlent deux préconisations. D'une part, "maintenir le principe de la compétence partagée dans le domaine du sport pour les différentes collectivités territoriales". D'autre part, "préserver l’esprit de la loi du 1er août 2019 qui ouvre la voie à une forte différenciation territoriale afin de permettre [au fonctionnement de l’Agence nationale du sport au niveau local] un degré d’intégration variable selon les territoires". Cette dernière position s'appuie notamment sur l'exemple du Grand Est que l'Assemblée des départements de France (ADF) estime "très intégré" mais "pas transposable" en dehors de cette région.
Au sujet de la répartition des compétences toujours, les rapporteurs affirment qu'"une éventuelle prééminence de la région […] ne fait pas consensus", avant d'ajouter : "Si un binôme Etat-région semble s’être constitué pour animer la haute performance, c’est le binôme département-bloc communal qui conserve la main pour la pratique sportive et le sport pour tous. En conséquence, la préconisation n°7 vise à "reconnaître que l’absence de chef de filât d’une collectivité dans le sport constitue une des conditions du succès de la nouvelle politique territoriale du sport fondée sur une démarche pleinement partenariale".
Financements non obligatoires
La question de la participation au financement du sport a également débouché sur une position tranchée : "Instaurer un guichet commun au sein de chaque conférence des financeurs respectueux des choix des collectivités territoriales de préférence à un guichet unique qui pourrait créer de fait une obligation de participation au financement." Ici, le rapport tient compte de deux réalités, l'une juridique, l'autre économique. En effet, d'une part, la loi du 1er août n’a aucunement prévu de porter atteinte au principe de libre administration des collectivités dans leurs choix d’investissements, d'autre part, l’ADF a "rappelé qu’on ne pourra pas contraindre un département à financer un projet alors même qu’on constate une baisse du montant des investissements". A travers un guichet commun, l’idée est de permettre aux collectivités intéressées d’unir leurs moyens en réduisant le nombre des formalités et en permettant d’avoir une vision globale de l’investissement, et non de les solliciter toutes sur tous les projets.
Anticiper la fin du ministère des Sports ?
En outre, les rapporteurs préconisent de créer une conférence des financeurs permanente au niveau départemental et au niveau de chaque métropole ainsi que la possibilité de créer des conférences supradépartementales pour les grands équipements et infra départementales pour les projets très localisés.
Enfin, le chapitre du financement se clôt par un souhait fort des rapporteurs : "Eviter un désengagement de l’Etat du financement des équipements locaux et réaffirmer son rôle pour résorber les déséquilibres territoriaux et développer le sport pour tous." Un financement qui devrait être négocié "dans les meilleurs délais" à travers la convention entre l’Etat et l’Agence nationale du sport et déboucher sur la définition d'"une trajectoire pluriannuelle des moyens ascendante". Ces préconisations prennent toute leur importance alors que la ministre des Sports Roxana Maracineanu a indiqué, lors de son audition, que le maintien de son ministère "n'était pas acquis" à l'issue des Jeux olympiques de 2024.
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