Il existe dans notre pays non pas un seul mais bien trois fossés numériques : "un fossé générationnel, laissant les personnes âgées en marge des nouvelles technologies ; un fossé social, qui exclut les plus démunis ; et un fossé culturel, qui prive les moins instruits des opportunités de l'outil informatique". C'est probablement l'un des principaux constats du rapport du Centre d'analyse stratégique, rendu public par Vincent Chriqui, directeur général, ce 20 avril. Cinq collaborateurs du département Développement durable de l'institution d'expertise et d'aide à la décision placée auprès du Premier ministre ont rédigé ces 120 pages, en collaboration avec le cabinet conseil BearingPoint pour l'analyse internationale (identification des bonnes pratiques dans les six pays de l'OCDE qui utilisent le plus les technologies numériques). Ce rapport du gouvernement au Parlement est établi en application de l'article 25 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique (dite aussi "Loi Pintat"). Il s'attache d'abord à préciser la nature des différents fossés numériques qui existent en France : environ un tiers de la population ne possède pas d'ordinateur et n'utilise pas internet actuellement. Puis il envisage les comportements propres aux "natifs du numérique". Il fait le point sur les actions en cours ou à prévoir pour tirer parti de toutes les potentialités des technologies de l'information et de la communication pour l'éducation (Tice) mais aussi pour répondre aux comportements de cette nouvelle génération. Il aborde, enfin, la question du traitement social de l'internet. Il présente, en annexe, des exemples d'associations qui s'emploient à réduire le fossé numérique, le plus souvent avec le soutien des collectivités : Créatif, Renaissance numérique, Solidarité actives, Villes Internet, Alim (en Lozère), Anis (dans le Nord), etc. Ce rapport fait surtout trois propositions et neuf recommandations.
Trois propositions
La première proposition vise à accorder, dans le cadre du "Plan de développement des usages du numérique à l'école", une attention particulière aux 15-24 ans exclus du numérique en leur proposant des formations adaptées (y compris en dehors du cursus scolaire) et en mettant à leur disposition des ordinateurs et des abonnements à tarif réduit.
La deuxième veut permettre un accès haut débit à bas coût pour les plus démunis par un abaissement des tarifs d'accès résultant soit d'un renforcement de la concurrence, soit de la mise en place d'un tarif social (le gouvernement devrait aboutir sur ce point courant juin). Le déploiement du réseau d'espaces numériques publics est remis en goût du jour (en annexe, le rapport liste les principaux réseaux nationaux et locaux d'EPN: ECM, Points Cyb, P@t, Cybercommunes bretonnes, Cyber-base en Midi-Pyrénées, ERIC en Paca, Inforoutes de l'Ardèche, Cybercantal, AMI des Landes, etc.). La mise en place dans les logements sociaux d'ordinateurs connectés est aussi une initiative "encore limitée mais qui se développe" à l'instigation des collectivités et des bailleurs sociaux (à Brest, Dunkerque, Angers, etc. et via l'opération nationale Ordi 2.0).
La troisième proposition consiste à familiariser les personnes âgées aux outils numériques par un accompagnement personnalisé et des logiciels, voire des matériels, adaptés. "Cela leur permettrait de correspondre plus aisément avec leurs proches, de bénéficier d'un suivi médical à distance, et ainsi de rester chez elles plus longtemps", souligne le rapport. Là encore des collectivités locales ont pris des initiatives à Mayenne ou Longjumeau, en Ille-et-Vilaine et Côtes-d'Armor ou encore en Auvergne. La Caisse des Dépôts organise d'ailleurs sur ce thème, avec la mission Ecoter, un colloque le 17 mais prochain à Paris.
Neuf recommandations
Parmi les autres recommandations, qui reprennent ou précisent les trois propositions principales, le rapport insiste notamment sur le fait que "plusieurs fossés numériques existent : les combler suppose une action politique vigoureuse et pérenne ainsi que de larges campagnes d'information". Les trois fossés définis ne doivent en effet pas en faire oublier un quatrième : le fossé territorial. Cette autre fracture numérique fait que les collectivités les plus pauvres, celles qui bénéficient des infrastructures les plus faibles (mauvaise couverture en haut débit et en téléphonie mobile, notamment), devront faire l'effort le plus grand pour combler à la fois les manques de l'écosystème local numérique et les difficultés de leurs populations. Dans ce cas, la volonté politique tout comme la communication n'y suffiront pas. Il faudra aussi trouver de nouveaux moyens financiers et des idées neuves !
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFoo5plk6S7tb7Im6ytoZ%2BjeqXBjJycp6yimnqlrc2ao7KrlWLAtb7ArZygoaGqsm68zq6pZqSlqcGmvoycpqesopp6rbHSZqurp5moeqe70qycrGWeqrqmvsiqrJ6r