C'est dans une copropriété en cours de rénovation complète du XIIe arrondissement de Paris que le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, et son homologue de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, ont présenté ce 24 novembre le projet de plan de rénovation énergétique des bâtiments qui constitue l’un des principaux piliers du plan Climat.
Il s'agit d'un enjeu majeur pour la transition énergétique, puisque le bâtiment représente 45% de la consommation énergétique du pays, et aussi pour lutter contre la précarité énergétique qui touche 3,8 millions de ménages. Le plan reprend l'objectif de rénover 500.000 logements par an, affiché sans succès durant le quinquennat précédent, en mobilisant 14 milliards d'euros sur cinq ans, dont l'essentiel avait déjà été annoncé en septembre dans le Grand Plan d'investissement.
"C'est un plan vertueux. L'intérêt particulier va de pair avec l'intérêt général", a plaidé Jacques Mézard. Dans le détail, le gouvernement réitère l'objectif de 100.000 logements HLM annuels rénovés par les bailleurs sociaux, et vise 250.000 logements privés rénovés, également par an, grâce à des mécanismes existants - crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), certificats d'économie d'énergie, etc.
Réflexion sur de nouvelles incitations réglementaires ou fiscales
Le gouvernement a prévu de réformer certaines de ces aides, comme le Cite, qui sera transformé en prime en 2019 et exclura à la mi-2018 certains travaux (fenêtres et portes d'entrée notamment) au grand dam des entreprises du bâtiment. Une "mission" planchera aussi sur de "nouvelles incitations réglementaires ou fiscales", comme un bonus-malus appliqué sur la taxe foncière ou lors de la vente des logements, en fonction de leur performance énergétique. Une piste qui a irrité l'Union nationale des propriétaires immobiliers (Unpi) car elle va "imposer aux propriétaires de nouvelles obligations lourdes". "En fonction des études que l'on fera, on décidera si oui ou non, il faut aller dans cette voie", a dit Julien Denormandie, secrétaire d'Etat à la Cohésion des territoires tandis que Nicolas Hulot assurait vouloir rester "dans l'incitatif".
Cibler les "passoires thermiques"
Le gouvernement vise aussi la rénovation de 150.000 logements les plus énergivores (étiquetés F ou G, les fameuses "passoires thermiques") sur les 7,4 millions que compte la France. La moitié de ces logements occupés par des propriétaires précaires devront avoir été rénovés en 2022. Ce type de logements ne pourra plus être loué à partir de 2025.
L'Agence nationale de l'habitat (Anah) devra financer annuellement la rénovation de 75.000 logements privés occupés par des ménages modestes, contre environ 60.000 cette année, grâce aux aides publiques du programme "Habiter mieux".
L'enjeu sera aussi de mobiliser les banques, financeurs incontournables et qui "ne sont pas encore assez là", selon le président de l'Ademe, Bruno Lechevin. Le prêt ECO-PTZ du programme "Habiter mieux" n'est "toujours pas distribué parce que les discussions entre l'Etat et les banques sur le fonds de garantie n'ont pas encore abouti", a précisé à l'AFP Blanche Guillemot, directrice générale de l'Anah.
Rénovation du patrimoine public
De son côté l'Etat rénovera 25% de son parc immobilier en cinq ans via un financement de 1,8 milliard d'euros (dont 1 milliard supplémentaire). Les collectivités territoriales pourront aussi engager des travaux sur leur patrimoine (écoles, collèges, lycées, équipements sportifs ou socio-culturels…). Dans le cadre du Grand Plan d’investissement, l’Etat met en place à leur attention, en partenariat avec la Caisse des Dépôts, différents outils de financement à hauteur de 3 milliards d'euros (2 milliards d’euros de prêts bonifiés de la Caisse des Dépôts, 0,5 milliard d’euros de fonds propres de ce même établissement public pour soutenir des modèles économiques innovants et 0,5 milliard d’euros de dotation de soutien à l’investissement local).
Guichet unique
Pour mieux informer les particuliers sur les aides, un "service public de la performance énergétique de l'habitat", dont le cahier des charges de déploiement sera précisé d'ici l'été 2018, pilotera le "guichet unique" prévu par la loi depuis 2015. Des opérations territoriales programmées sur un grand nombre de bâtiments devront faire baisser le coût des rénovations grâce aux économies d'échelle dégagées sur des travaux "simples" (isolation des combles, changement d'équipement de chauffage, etc.)
L'ONG Cler-Réseau pour la transition énergétique a regretté que cette massification "se contente seulement d'une accumulation de petits travaux" alors qu'"une rénovation globale (...) sera toujours plus efficace". Aussi le diagnostic de performance énergétique (DPE) sera "renouvelé" fin 2018 pour le rendre plus fiable, et le dispositif permettant aux entreprises d'être reconnues garantes de l'environnement (RGE), critiqué par des associations de consommateurs, sera "amélioré tout en limitant son coût".
Pour que la rénovation énergétique apparaisse bien comme une priorité nationale et soit bien connue de tous, une "marque unique" commune à l’ensemble des acteurs va aussi être créée. En réunissant sous une même bannière toutes les initiatives, qu’elles émanent de l’Etat, des collectivités locales, des professionnels ou des associations, l’idée est de faciliter l’accès à l’information et au conseil.
Comité de pilotage
Un comité de pilotage du plan de rénovation énergétique des bâtiments (Copreb) sera constitué. Coprésidé par le ministre chargé de l’énergie et par celui en charge du logement, il rassemblera les directions et opérateurs de l’Etat concernés, les présidents du plan Bâtiment durable et du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique ainsi que des représentants des associations de collectivités territoriales. Il sera chargé de la mise en oeuvre du plan et devra en rendre compte chaque année. Deux animateurs seront en outre nommés pour veiller à la bonne association des parties prenantes et à la cohérence des actions. Avec l’aide de l’Ademe, l’Etat veut aussi améliorer la connaissance des bâtiments en mettant en place un observatoire national pour favoriser la remontée d’informations et mieux suivre les progrès réalisés.
Mobilisation des collectivités
Les collectivités territoriales, en particulier les régions et les intercommunalités, vont aussi être mobilisées pour porter localement la mise en œuvre du plan. Le gouvernement souhaite leur confier différentes responsabilités correspondant à leurs compétences. Les régions pourront ainsi déployer le service public de la performance énergétique de l’habitat et les départements être associés à leurs initiatives et à celles des EPCI, notamment au titre de leur contribution à la résorption de la précarité énergétique, de leur rôle de chef de file en ce qui concerne l'autonomie des personnes ou encore pour la participation des agences départementales d'information sur le logement (Adil) et des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) au service public d’information. Le plan invite aussi la région et l’EPCI, en lien avec la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) et les directions départementales des territoires (DDT) ou directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), à mobiliser les acteurs locaux afin de structurer une offre adaptée au territoire et à même de répondre aux besoins locaux de la rénovation, notamment en matière d’offre globale et d’accompagnement des ménages. La région, qui est en charge du schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire - Sraddet), et les EPCI, qui sont de leur côté en charge des plans climat air énergie territoriaux (PCAET) pourront aussi coordonner la définition du parc à rénover en priorité, puis élaborer et mettent en oeuvre des programmes territorialisés de rénovation s’adressant à l’ensemble des ménages. "Ces programmes pourront être thématisés, notamment pour dynamiser la rénovation des copropriétés", précise le plan qui invite aussi les collectivités qui se mobilisent pour la rénovation énergétique de leur parc, à partager leurs expériences à l’échelle régionale.
"Les attentes réciproques de l’Etat, des régions et des collectivités territoriales en matière de rénovation énergétique des bâtiments seront discutées selon la méthode convenue dans le cadre de la conférence nationale des territoires, indique encore le document. L’Atelier national des initiatives locales de la rénovation énergétique sera le lieu de capitalisation et de valorisation de toutes les bonnes pratiques mises en place par les collectivités locales et les acteurs de terrain. Il permettra d’alimenter le plan d’actions et son coordonnateur en bonnes pratiques et en besoins en provenance des territoires, d’apporter des conseils juridiques et techniques aux collectivités et d’élaborer collectivement des solutions adaptées aux problématiques soulevées".
Concertation multiforme
Jusqu’à la fin janvier 2018, toutes les parties prenantes – fédération professionnelles, associations de consommateurs, associations environnementales, représentants des collectivités territoriales, opérateurs publics sans oublier le grand public - sont invitées à contribuer à l’élaboration de la "feuille de route". Au niveau national, des ateliers de concertation devront permettre, selon les ministères, d’"affiner la stratégie et d’étoffer les axes clés". Des réunions locales seront aussi organisées par l’Etat pour que tous les acteurs puissent s’exprimer. Le Conseil national de la transition écologique et le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique rendront aussi un avis consultatif formel. Une consultation sur internet permettra en outre à tout un chacun d’apporter sa contribution.
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