Le taux du livret A sera porté de 2 à 3% au 1er février, a annoncé ce vendredi 13 janvier le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, un niveau sans précédent depuis 2009 mais toujours nettement inférieur à l'inflation. Le ministre a ainsi emboîté le pas au gouverneur de la Banque de France qui lui avait proposé ce même chiffre un peu plus tôt, comme le veut la procédure. Le livret de développement durable et solidaire (LDDS) bénéficie également de cette revalorisation à 3%.
Si la formule de calcul, prenant en compte d'une part la hausse des prix - qui a atteint 5,9% en décembre selon l'Insee - et d'autre part les taux interbancaires, auxquels les banques s'échangent de l'argent à court terme, avait été appliquée à la lettre, le taux aurait même été porté à 3,3%. Mais le gouverneur de la banque centrale, François Villeroy de Galhau, a préféré arrondir légèrement à la baisse, invoquant dans un communiqué des "circonstances exceptionnelles". "C'est quand même fois trois en un an", a argumenté Bruno Le Maire. Encore à son niveau plancher de 0,5% il y a un an, le taux du livret A avait doublé une première fois au 1er février 2022 puis une nouvelle fois au 1er août, pour atteindre 2%.
Pour la Banque de France, il est souhaitable "que les mouvements de taux du livret A restent progressifs plutôt que trop volatils, et ceci à la hausse comme un jour potentiellement à la baisse". Un taux "trop élevé serait très défavorable" au "financement du logement social et de la politique de la ville", argue-t-elle aussi.
Les quelque 500 milliards d'euros déposés par les Français sur les livrets A et LDDS, dont la majeure partie est centralisée par la Caisse des Dépôts, sont notamment destinés à financer le logement social, ainsi que bien d'autres politiques publiques. Si le relèvement du taux est une bonne nouvelle pour les épargnants, il pourrait donc être moins bien vécu par nombre d'acteurs publics dont les prêts auprès de la Caisse des Dépôts sont souvent indexés sur ce taux. Les "organismes de logement social (...) sont en bonne situation financière", pointait cependant mardi le directeur général de la Caisse des dépôts, Éric Lombard, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, peu avant sa reconduction à ce poste.
Dans un communiqué diffusé vendredi après-midi, l'Union sociale pour l'habitat (USH) a salué le choix de ce taux à 3% "inférieur à la stricte application de la formule de calcul", qui respecte l'"objectif d'équilibre" entre rémunération des épargnants et capacité des organismes HLM. Elle souligne toutefois que "cette hausse a un impact fort pour les organismes de logement social". "Très concrètement, avec un taux du livret A passé de 0,5% à 3% en un an, les charges d'intérêts des organismes de logement social se trouveront alourdies de 3,75 milliards d'euros en année pleine, impactant très lourdement leurs résultats d'exploitation et leur capacité à investir, déjà entamés par la hausse générale de l'inflation et plus particulièrement des coûts des travaux", explique-t-elle.
L'USH appelle de ce fait le gouvernement "à considérer l'évolution de l'ensemble des paramètres financiers qui pèsent aujourd'hui sur l'économie du logement social et entravent sa capacité d'investissement", lui demandant ainsi de "revenir rapidement" sur la réduction de loyer de solidarité et sur le relèvement du taux de TVA pour les opérations de construction neuve. "À travers la capacité des organismes HLM à faire face au coût de leur dette, c'est la question de leur capacité à répondre à la demande de logement social et au développement des territoires et de l'emploi qui est posée", écrit Emmanuelle Cosse, la présidente de l'USH.
La remontée du taux est par ailleurs accueillie froidement par les établissements bancaires, qui craignent que cela incite trop d'épargnants à se détourner d'autres placements. Les quelque 55 millions de livret A, plafonnés à 22.950 euros, n'étaient garnis qu'au quart de leur capacité à fin 2021.
Idem pour le livret d'épargne populaire (LEP), réservé aux ménages les plus modestes. Malgré un nombre de nouveaux LEP record en 2022 - plus de deux millions -, la majeure partie des ménages éligibles n'en a pas encore ouvert. La Banque de France affirme soutenir "fortement cet instrument". Le gouverneur a d'ailleurs choisi de lui appliquer pleinement la formule de calcul du taux, en proposant de le passer de 4,6% à 6,1%, un niveau plus vu depuis plus de 35 ans. Bruno Le Maire encourage lui aussi les 10 millions de Français qui n'ont pas de LEP alors qu'ils y sont éligibles à en ouvrir un.
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