La décision du musée d'Orsay, entrée en vigueur en juin, d'interdire aux visiteurs de filmer ou de photographier les oeuvres présentées - dans les collections permanentes comme dans les expositions temporaires - suscite une polémique. Le musée d'Orsay est pourtant loin d'être le seul à avoir édicté une telle interdiction. En 2005, Le Louvre avait ainsi pris la même décision, avant de rapporter la mesure faute de pouvoir l'appliquer. Certains établissements en régions - comme le musée Granet à Aix-en-Provence - ont également pris des mesures d'interdiction. La décision du musée d'Orsay a aussitôt suscité de vives réactions, notamment sur le livre d'or virtuel du site internet de l'établissement. A chaque protestation d'un internaute, le musée répond par le même commentaire type : "Afin de préserver le confort de visite et la sécurité des oeuvres comme des personnes, il est désormais interdit de photographier ou de filmer dans les salles du musée. Cette mesure est notamment liée à la multiplication des prises de vue 'à bout de bras' via des téléphones mobiles. Les reproductions de la plupart des oeuvres des collections peuvent être téléchargées à partir du site (catalogue des oeuvres, oeuvres commentées notamment)."
Cette explication n'a pas vraiment convaincu. Patrick Beaudouin, député (UMP) du Val-de-Marne, a même saisi le ministre de la Culture. Dans une question écrite publiée au JOAN du 22 juin, il indique notamment qu'"il est permis de s'interroger sur la légitimité d'interdire la reproduction d'oeuvres appartenant au patrimoine public, par des visiteurs ayant payé leur billet". Le député s'inquiète aussi du coût "souvent très élevé" des reproductions vendues par les musées et estime que cela "peut conduire à remettre en cause la diffusion du patrimoine artistique auprès d'un large public, notamment par l'intermédiaire d'internet" (allusion aux blogs qui multiplient les articles et compte rendus de visite sur les expositions). Il demande donc au ministre de la Culture de lui indiquer quelles mesures il entend prendre à l'égard de ces interdictions.
En attendant la réponse - qui ne manquera pas d'intéresser tous les musées -, les éléments du débat apparaissent quelque peu embrouillés. L'interdiction ne peut en effet s'expliquer par la protection physique des oeuvres. Les flashes sont en effet interdits depuis longtemps et les portables n'en utilisent généralement pas. En termes de droit d'auteur, une interdiction peut se discuter pour des oeuvres contemporaines, mais n'a pas de sens pour Orsay ou Le Louvre. Le musée d'Orsay invoque pour sa part "le confort de visite" et la gêne provoquée par les portables brandis au-dessus des groupes de visiteurs qui s'attardent devant une oeuvre. Mais il existe de nombreux autres facteurs susceptibles de provoquer une gêne lors des visites - comme les nombreuses poussettes et enfants en bas âge - que nul ne songerait à interdire. L'argument - également utilisé par Orsay - sur le confort et la sécurité des personnes n'est guère plus entendable. Le Louvre a en effet rapporté sa mesure d'interdiction parce que les personnels n'arrivaient plus à gérer cette interdiction et le syndicat CGT du musée d'Orsay explique, dans un long tract, son hostilité à la mesure. Faute d'un argument véritablement convaincant, le soupçon n'a donc pas manqué de s'installer chez les opposants à la mesure : selon eux, le principal objectif serait de favoriser le vente des reproductions d'oeuvres et des catalogues d'exposition...
Jean-Noël Escudié / PCA
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFoo56wpJq7tLXOp2SdnV2htq%2FAxKubopuknryvecOeZKmgn6m8qL7AqZ%2BinaJisaK60majnqtdosK0scSsZJ%2BZmal6sbvLnqSiqaWa