Marisol Touraine a présenté, le 19 juin, les grandes lignes du futur projet de loi Santé. Le texte législatif ne sera toutefois connu qu'à la rentrée. La ministre des Affaires sociales et de la Santé a d'ailleurs insisté sur le fait qu'il s'agissait là de présenter "les grandes orientations, et non le détail des mesures" d'une loi "qui transformera le quotidien de millions de Français" et "changera le rapport des Français à leur santé". En attendant, les orientations présentées s'inscrivent dans le prolongement de la stratégie nationale de santé, elle-même exposée le 23 septembre dernier (voir notre article ci-contre du 23 septembre 2013).
La prévention comme socle commun
La future loi de santé comportera quatre "orientations stratégiques", qui regrouperont elles-mêmes une série de mesures d'ampleur variée. La première orientation stratégique consistera à "inscrire la prévention comme un des socles de notre politique de santé". Ceci passe notamment par la création - en liaison avec l'Education nationale - d'un "parcours éducatif en santé". Parmi les autres mesures figurent aussi l'extension du principe du médecin traitant aux jeunes de moins de seize ans, la lutte contre le "binge drinking", l'accès des mineures à la contraception d'urgence auprès de l'infirmière scolaire (en supprimant la condition de "détresse caractérisée")... Ce programme ambitieux - qui entend combler un point faible traditionnel du système de santé français, très orienté vers le curatif - posera toutefois très rapidement la question de l'état actuel de la médecine scolaire. Enfin, les grandes villes pourraient être concernées par "la définition du cadre de l'expérimentation de salles de consommation à moindre risque" (les "salles de shoot"). Les précautions oratoires qui encadrent cette mesure témoignent de son caractère sensible.
En termes d'organisation, ce premier axe se traduit par la création immédiate d'un "comité interministériel pour la santé" et par celle - plus éloignée - d'un "Institut pour la prévention, la veille et l'intervention en santé publique, qui disposera d'une taille critique suffisante". Bien que Marisol Touraine ne le précise pas, il s'agira du résultat de la fusion - déjà annoncée par ailleurs - de l'Inpes (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé) et de l'InVS (Institut de veille sanitaire).
Vers un "service territorial de santé au public"
La seconde orientation stratégique consiste en la mise en place d'un "service territorial de santé au public", issu pour partie des préconisations du rapport Devictor (voir notre article ci-contre du 24 avril 2014). Dans l'attente du projet de loi, le contenu reste encore assez flou, si ce n'est que la mesure "doit faciliter la structuration territoriale des soins primaires".
D'autres mesures connexes relèvent également de ce second axe. La principale concerne la généralisation du tiers payant, pour les prestations de l'assurance maladie, mais aussi pour celles des complémentaires santé (voir notre article ci-contre du 19 février 2014). L'objectif est d'aboutir à une extension généralisée en 2017. L'autre mesure phare concerne la mise en place d'une sorte de "15" de la médecine libérale. En l'occurrence la création d'un numéro d'appel unique à trois chiffres dans chaque département, pour la garde en ville hors des horaires d'ouverture des cabinets.
D'autres dispositions sont également prévues au titre de ce second axe, comme la coordination des parcours, la relance du dossier médical partagé (un serpent de mer du système de santé depuis plus de dix ans), ou encore le "service public hospitalier rénové", avec la "clarification" de l'exercice libéral à l'hôpital et de l'intérim médical, les groupements hospitaliers obligatoires pour certaines fonctions ou les expérimentations sur la tarification. Sans oublier "la claire volonté de mieux traduire, dans le respect des attributions du chef d'établissement, le caractère nécessairement médical de la gouvernance hospitalière" (un sujet qui ne devrait pas manquer de relancer les tensions entre directeurs d'hôpitaux et médecins et promet un intense lobbying au Parlement).
Le pari de l'innovation
Troisième orientation stratégique : "faire le pari de l'innovation". Ce ne sera pas l'axe majeur du projet de loi, car les mesures prévues restent assez limitées. On retiendra notamment des dispositions sur les essais cliniques à promotion industrielle, la reconnaissance de nouveaux métiers comme les "professions paramédicales à pratiques avancées" (infirmiers cliniciens, sages-femmes...), la réorganisation du troisième cycle des études médicales et - autre sujet polémique - l'accélération du mouvement d'ouverture des données de santé dans le cadre de la politique d'Open Data. L'accès à ces données (anonymisées) est en effet demandé par les complémentaires santé, mais suscite de fortes réticences du côté de la Sécurité sociale.
Une nouvelle gouvernance
Enfin, la quatrième orientation stratégique consistera à établir "une nouvelle gouvernance pour une politique de santé plus performante". Dans l'attente du texte du projet de loi, son contenu semble lui aussi assez incertain. Il comprendra notamment une rénovation du dispositif conventionnel, une extension de l'obligation de représentation des usagers dans toutes les agences nationales de santé et la création de la commission des usagers, ou encore certaines mesures plus ponctuelles comme l'accès du concubin ou du partenaire de Pacs au dossier médical de la personne décédée (possibilité qui n'existe aujourd'hui que pour les couples mariés).
La mesure qui sera sans doute la plus discutée reste toutefois l'instauration d'une action de groupe en matière de santé, en lien direct avec l'affaire des prothèses PIP.
Ultime précision : le projet de loi sera soumis au Conseil des ministres en septembre prochain. Il sera ensuite transmis à l'Assemblée nationale, avec un début d'examen prévu pour le début de 2015.
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