A trois semaines de la discussion dans l'hémicycle du Sénat sur le projet de loi dit "4D" (différenciation, décentralisation, déconcentration et diverses mesures de simplification de l'action publique locale), la ministre de la Cohésion des territoires fait preuve d'ouverture à l'égard de sénateurs empressés de muscler un texte qu'ils qualifient de "petit bras".
"Plusieurs" des 50 propositions pour "le plein exercice des libertés locales", que le Sénat avait présentées en juillet 2020, "pourront rejoindre le texte initial sans difficulté", a déclaré Jacqueline Gourault lors de son audition, le 15 juin, par la commission des Lois de la Haute Assemblée.
Par ailleurs, les dispositions de l'article 2 du projet de loi sur le pouvoir réglementaire local ont vocation à être complétées, notamment à partir de propositions de l'Inspection générale de l'administration (IGA). Les hauts fonctionnaires viennent de rendre à la ministre le rapport dans lequel ils identifient des domaines dans lesquels un pouvoir réglementaire pourrait être conféré aux collectivités. "Nous sommes tout à fait prêts à travailler avec vous sur les propositions qui sont faites", a confié Jacqueline Gourault aux sénateurs.
Mieux définir le délit de prise illégale d'intérêts
La ministre a indiqué également qu'elle accepterait des amendements qui viseraient à compléter le texte sur la simplification de l'action publique locale. En soulignant que ce volet comprend "des petites choses qui sont importantes dans le fonctionnement de la vie de tous les jours".
En outre, Jacqueline Gourault ne s'opposera pas, personnellement, à un allongement de la période de l'expérimentation confiant aux régions volontaires la gestion des routes nationales et des autoroutes non concédées. La période de cinq ans, actuellement prévue par le projet de loi, est "beaucoup trop courte", venait de critiquer le rapporteur (LR), Mathieu Darnaud, en évoquant un "écueil majeur".
La ministre a aussi donné son feu vert à la réécriture du délit de prise illégale d'intérêts dans le code pénal. Le but est que les élus locaux représentant leur collectivité dans des organismes extérieurs puissent participer aux travaux de leur assemblée dans des conditions assurant leur sécurité juridique. "Nous sommes d'accord sur l'analyse", a déclaré la ministre. Au début du mois, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avait soutenu la nécessité d'une nouvelle définition (notre article). Un appel qui a été entendu. "Nous avons évoqué ce sujet avec la Haute autorité et nous sommes en train de travailler avec eux", a révélé l'ancienne sénatrice. Mais le ministère n'a pas encore décidé si la réforme serait introduite dans le projet de loi "4D", ou bien dans un autre texte. Le Sénat qui a déjà tenté à plusieurs reprises – en vain - de faire passer cette réforme, pousse, lui, le gouvernement à agir rapidement, donc probablement à saisir l'occasion de la réforme 4D.
Fonctionnement de l'intercommunalité : "des souplesses existent"
Réputée pour son sens du dialogue et du compromis, Jacqueline Gourault s'est tout de même montrée inflexible sur plusieurs questions. La ministre a souligné qu'elle aurait "quelques lignes rouges".
Ainsi, "réouvrir le dossier" de l'assouplissement du fonctionnement de l'intercommunalité "risque d'amener à des choses compliquées", a-t-elle répondu à la rapporteure (UC) Françoise Gatel, qui fait de ce sujet "son marronnier". "Il faut une intervention de proximité" reposant sur les communes, car "l'échelle de l'intercommunalité, qui est parfois très grande, n'est pas toujours la plus performante", a pointé la sénatrice. Elle entend appliquer cette idée à tous les types d'intercommunalité à fiscalité propre. Présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, elle vient ainsi avec trois collègues sénatrices, de présenter un rapport qui plaide pour un recentrage des métropoles sur leurs compétences stratégiques et "structurantes".
Défendant une "intercommunalité à la carte", le Sénat s'était vu refuser plusieurs de ses demandes, lors de la discussion, en 2019, sur le projet de loi "Engagement et proximité". Françoise Gatel compte donc revenir à la charge. Ce qui n'est pas du goût de la ministre. Des "mesures de souplesse" pour le fonctionnement des intercommunalités "existent déjà" : "elles sont nombreuses, et quelques fois, elles ne sont pas bien connues et utilisées", a-t-elle souligné.
Eau : le gouvernement clôt le débat
De même, le gouvernement coupera court à "la tentation de réouvrir le débat" sur l'attribution de la compétence en matière d'eau. Les souplesses accordées par la loi "Engagement et proximité" - à savoir la possibilité pour les communautés de communes et d'agglomération de déléguer la compétence à une commune ou un syndicat infra-communautaire – seront donc les dernières concessions du gouvernement sur ce sujet polémique. Dans certaines zones, en particulier dans les territoires de montagne, "il est complexe de transférer cette compétence", avait affirmé plus tôt Mathieu Darnaud.
Le sénateur de l'Ardèche a aussi regretté que le volet du texte sur la déconcentration "manque de souffle". La ministre a entendu la critique, mais en laissant entendre que les choses ne devraient pas bouger durant l'examen par le Parlement. "J'ai déjà beaucoup soufflé pour obtenir un certain nombre de décisions", a-t-elle confié.
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